Matière à réflexion :

Le patient a droit au respect de son intimité psychique
21 février 2024

Le patient a droit au respect de son intimité psychique

Depuis la publication de la Loi Qualité en 2019, les menaces du SPF Santé à l’encontre de la spécificité des professions de la santé mentale et donc de la santé psychique se sont intensifiées. La réponse de l’INAMI (11 janvier 2024) à l’avant-projet de loi modifiant la loi du 8 novembre 1993 organisant le fonctionnement de la Commission des psychologues, est incendiaire.

L’article qui suit, « Le patient a droit au respect de son intimité » cible essentiellement les exigences de la Loi Qualité relatives au Dossier Patient Informatisé (DPI) uniformisé, dont les données seront systématiquement et passivement partagées. . Dans le champ de la médecine somatique, un DPI est en principe adéquat , bien qu’ouvrant à de multiples mésusages. En revanche dans le secteur de la santé psychique les effets du PDI seront carrément iatrogènes. Dans ce champ, l’absence de confidentialité est non seulement un obstacle à l’accès aux compétences des professionnels mais elle est une entrave au processus même du soin psychique : le pacte de soins qui permet à un être humain de laisser entrevoir en confiance sa vulnérabilité psychique, à quelqu’un dont il espère de l’aide, c’est avant tout, l’obligation du secret professionnel au sens strict du Code pénal.

Mon genre, ma liberté ?  À propos d'une diversion chaotique et symptomatique.
12 janvier 2024

Mon genre, ma liberté ? À propos d'une diversion chaotique et symptomatique.

Préambule. Aux temps de sa splendeur – un moment aveuglant – la psychanalyse, rattrapée par le «politiquement correct», a écouté d’une oreille normative l’homosexualité, la transidentité, le transsexualisme. Ce faisant, elle trahissait le meilleur d’elle-même. Certain(e)s psychanalystes néanmoins, comme Joyce MacDougall, se sont montré(e)s accueillant(e)s aux néo-sexualités, et beaucoup n’ont cessé d’accompagner des cheminements difficiles, s’exprimant sur le mode de la transidentité ou du transsexualisme. Mais tout autre chose sont les angoisses sociétales dissimulées sous le scintillement médiatique de la question du «genre». Celui-ci donne à imaginer – dans une perspective essentiellement néolibérale – qu’on puisse s’enfanter soi-même selon ses propres normes, et qu’en fin de parcours «les meilleur(e)s gagnent»...

"Les femmes et les enfants d’abord !” Droit d’asile : traumatisme, mensonge, parjure
29 septembre 2023

"Les femmes et les enfants d’abord !” Droit d’asile : traumatisme, mensonge, parjure

                                       La terre m’appartient 
vous n’êtes pour moi que des immigrés et des hôtes
Dieu,  Lévitique, XXV, 23

Le 20 septembre 2023, dans une Carte Blanche publiée dans «Le Soir» et «De Standaard», une trentaine de professeurs de droit (notamment constitutionnel), représentatifs de toutes les universités du pays, s’insurgent contre : «Le Gouvernement fédéral (qui) persiste (…) à violer l’un des principes démocratiques parmi les plus élémentaires, à savoir le respect des décisions de justice, noyau dur de l’État de droit.»

«L’État de droit, précisent les signataires, s’oppose (…) à l’État de police, qui utilise le droit comme un moyen de commandement à l’égard des sujets de droit, mais s’exonère lui-même du respect des règles qu’il édicte. Dans un État de droit, les pouvoirs publics se soumettent au droit ; ils ne peuvent agir que dans les limites du droit.»

Le trouble de penser. Quelle espèce de despotisme les nations démocratiques ont à craindre
21 septembre 2023

Le trouble de penser. Quelle espèce de despotisme les nations démocratiques ont à craindre

«Je pense donc que l'espèce d'oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l'a précédée dans le monde (…). Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde: je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres: ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine: quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d'eux mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point; il n'existe qu'en lui-même et pour lui seul, et, s'il lui reste une famille, on peut dire du moins qu'il n'a plus de patrie.
De vive voix. Comment la pandémie a modifié notre rapport à l'écoute.  Rachel Kramermann
7 septembre 2023

De vive voix. Comment la pandémie a modifié notre rapport à l'écoute. Rachel Kramermann

 

L’autre m’altère et me désaltère

Dans l’ ambiance d’inquiétante étrangeté déclenchée par la pandémie, que l’on se balade à vélo, à pied, errent de maigres silhouettes masquées, gantées, isolées. La ville est défigurée… Le réel de la mort a fait irruption dans nos vies.

En réponse à l’intrusion de la réalité – intromission du réel - potentiellement traum atique, comment se tissent les liens entre nous, qu’inventer ?

L’être de langage que nous sommes ne peut rester confiné dans le silence. On s’appelle les uns les autres, on s’appelle de loin, par télé – phone ou vision. On s’appelle, de plus loin encore, plus souvent. Un besoin fondamental s’exprime là, c’est une question d’existence …et s’il n’y a personne à appeler, on allume la radio. Une voix, une musique, et c’est le sentiment que l’on n’est plus seul, que quelqu’un s’adresse à nous.

Face à l’inédit de la situation, j’ai proposé à mes patients de les « recevoir » par téléphone. Certains ont accepté, quelques-uns ont demandé d’ajouter l’image, d’autres ont refusé.

Un rendez-vous par téléphone ?
Voilà qui bouscule l’espace habituel de la relation thérapeutique !

Mais cet espace, en psychanalyse ou en psychothérapie analytique, quel est-il ? Espace matériel ? Imaginaire ? Mental ? Espace psychique ? Symbolique ?
Et puis sans l’espace matériel concret du lieu où je reçois, qu’est-ce que le cadre ?

Un premier pas dans la reconnaissance de la spécificité de la santé mentale, oui mais... Geneviève Monnoye
20 avril 2023

Un premier pas dans la reconnaissance de la spécificité de la santé mentale, oui mais... Geneviève Monnoye

L’avis du Conseil Fédéral des Professions de Soins de Santé Mentale concernant le Dossier Patient Informatisé (DPI)

« Le psychologue préserve la vie privée de toute personne en assurant la confidentialité de son intervention »
Confidentialité et respect de l’intimité psychique, premières qualités du soin psychique !

L’avis du groupe de travail réuni au sein du Conseil Fédéral des Professions de Soins de Santé Mentale (CFPSSM) est argumenté : un dossier patient informatisé (DPI) spécifique pour les psychologues cliniciens (PC) et les orthopédagogues cliniciens (OC) est recommandé ; cet avis reconnait ainsi la spécificité du soin en santé mentale.
Une zone d’ombre subsiste néanmoins : la deuxième question posée au groupe de travail du CFPSSM est restée sans réponse : Quelles sont les conditions d’obligation d’un DPI ?
Cette question rejoint l’un de nos sujets d’inquiétude. Comment garantir l’accueil d’une demande de consultation sous couvert de l’anonymat ? Depuis plusieurs décennies, notre code de déontologie étaie la confidentialité de l’intervention du psychologue. Le psychologue préserve la vie privée de toute personne en assurant la confidentialité de son intervention, que cette intervention se déroule en consultation privée ou dans différents services (Télé-accueil, SOS enfants, SOS suicides etc.).
Le conflit de valeurs entre l’accès aux soins psychiques en toute confidentialité et les exigences de la loi Qualité doit à nouveau être éclairé et argumenté.
Code de déontologie du psychologue. Origine et tribulations de 1990 à aujourd'hui
7 août 2022

Code de déontologie du psychologue. Origine et tribulations de 1990 à aujourd'hui

Depuis juin 2018, la référence au devoir de secret professionnel est mentionnée dans l’arrêté Royal qui entérine le code de déontologie des Psychologues. Depuis, des rumeurs régulières insinuent une demande de ré-ré-écriture de ce code du psychologue et ce, sous divers prétextes – le dernier en date fut le terme dignité de la personne. Cette demande de refonte du code ne viserait-elle pas indirectement, la référence à l’article 458 du Code pénal. ainsi que la responsabilité du psychologue ? Un rappel des origines de ce code, un résumé succinct des tribulations surmontées entre 2014 et 2018 et une transcription des articles relatifs aux valeurs de nos pratiques professionnelles sont essentiels. Le code de déontologie du psychologue est en effet, le poinçon de notre identité professionnelle.

Travail médico-psycho-social et secret médical partagé. Avec qui, quoi, et le dossier électronique ?
15 mars 2022

Travail médico-psycho-social et secret médical partagé. Avec qui, quoi, et le dossier électronique ?

La concertation entre professionnels des soins et de l’aide fait partie des pratiques actuelles dans le domaine médico-psycho-social, par exemple lors du travail en équipe pluridisciplinaire ou en réseau. L’échange d’informations entre professionnels n’a rien d’anodin : s’agissant d’échanges d’informations couvertes par le secret professionnel, ces communications ne sont autorisées que sous certaines conditions strictes. L’objet de la présente communication est d’en tracer les contours. Ces conditions sont liées aux fondements du secret professionnel. Afin d’en saisir le sens et la portée, nous rappellerons dans un premier temps les principes de base du secret professionnel. Après nous être penchés sur le secret partagé et les conditions auxquelles il est soumis, nous terminerons par quelques considérations inspirées par les enjeux qu’implique le développement des dossiers électroniques.

Egaré.e.s dans la forêt du genre...
2 mars 2022

Egaré.e.s dans la forêt du genre...

L’éclosion au grand jour de sexualités plurielles dans la polyphonie assumée des genres, plutôt que leur dissimulation dans la honte et la réprobation, ne peut être le fruit que d’une éthique démocratique soucieuse de promouvoir l’égalité dans la différence. Il y a tout lieu de s’en réjouir. Tout autre chose est l’hystérisation médiatique de la dysphorie de genre et de la transsexualité, sous prétexte de liberté de choix et de droit à disposer de son corps

LA PSYCHANALYSE EN UNE PAGE. POURQUOI PAYER PLUS CHER ? 
31 décembre 2021

LA PSYCHANALYSE EN UNE PAGE. POURQUOI PAYER PLUS CHER ? 

La métapsychologie freudienne de la séduction revisitée et refondée par Jean Laplanche  (1924-2012)

Issue de l’écoute des hystériques, la psychanalyse est née au XIXème siècle d’une théorisation des séquelles de la séduction infantile, au sens médico-légal du terme. Elle s’attache à l’élucidation et à la remise en jeu des scénarios qui nous pilotent à notre insu. Ceux-ci se trament, dès avant notre conception, dans le champ de forces des désirs qui président à notre naissance. Cliniquement, la cure psychanalytique sert à nous affranchir des répétitions générées par les images, les pensées, les scénarios inconscients, qui minent, par-delà toute volonté consciente, notre univers relationnel. Conceptuellement, la théorie psychanalytique se distingue des conceptions de la psychologie, de la psychiatrie, de l’anthropologie, de la philosophie, par sa notion d’un système inconscient - propre à chacun - progressivement constitué, dès le début de la vie, sous l’empire du refoulement. L’inconscient, au sens de la psychanalyse, n’a donc rien à voir avec les systèmes simplement non-conscients (telles les structures linguistiques) qui déterminent eux aussi nos façons d’être et de penser. Du point de vue psychanalytique, le refoulement constitutif de l’inconscient porte électivement sur le sexuel — étant entendu que ce dernier (qui englobe tout le champ de la pulsion, de l’amour, de la haine) déborde largement l’acception commune du terme, et ne se rapporte que peu au sexué, au génésique, au génital. 

Qui ne dit mot consent-il vraiment ?  Variations sur le dossier Psy
25 novembre 2021

Qui ne dit mot consent-il vraiment ? Variations sur le dossier Psy

Voici le texte d’où j’ai extrait mon intervention pour ce webinaire consacré au contenu du dossier patient « psy » informatisé (DPI). Face aux changements de perspective de travail des psychologues, c’est de la place de psychiste que je souhaite ici intervenir, cette référence renvoyant au mot utilisé par François Tosquelles pour rassembler en une catégorie unique les professionnels du « psy », de différentes formations de base. Si je choisis ce terme historiquement marqué, c’est qu’il a porté mon expérience de psychologue tout au long de ma pratique en santé mentale. Et qu’il me permet d’inscrire ma réflexion dans ce nécessaire questionnement permanent que nous essayons de soutenir collectivement, nous les « psys », quant à l’évolution de la psychiatrie et de la santé mentale dans leurs liens avec la société, via la transformation des dispositifs de soin.
Quand Madame De Block «répare» la santé mentale
20 juin 2020

Quand Madame De Block «répare» la santé mentale

Lors d’une récente entrevue, la Ministre de la Santé a expliqué sa croissante impopularité par le fait qu’elle était «connue». Sur ce point, on ne peut lui donner tort : on critique rarement des inconnus. On peut se demander, par contre, si Madame De Block est suffisamment connue ? Il semble que non. On se rappelle bien sûr celle qui ironise sur le covid-19. On se souvient de celle qui entend fermer les maternités peu rentables. Mais rien d’étonnant. La ministre appartient à une famille politique (VLD) pour laquelle rentabilité financière et liberté d’entreprendre l’emportent sur toute autre considération. Vu sous cet angle, un hôpital n’est qu’«une entreprise comme une autre» et le Service Public un moindre mal : s’il tempère misère et désordre, il constitue surtout un obstacle à la libre concurrence et une menace budgétaire.

Hommage: De Block: La rigueur dans l'efficacité
2 avril 2020

Hommage: De Block: La rigueur dans l'efficacité

Le corona-virus fait peur, mais celle-ci s’inscrit dans un sillage sociétal plus large et bien enraciné dans l’histoire. Peur de la peste certes et du choléra, mais aussi crainte des mauvais sorts et persécution consécutive des «sorcières» jusqu’au XVIIème siècle ; éradication du «corps étranger» juif sous le nazisme ; «chasse aux sorcières» renouvelée par peur de l’infiltration communiste sous le maccarthysme des années 50 ; obsession par la pédophilie culminant, en 1996, dans le délire collectif belge de l’«Affaire Dutroux». Sans oublier la phobie généralisée de l’invasion par les migrants et la construction de murs divers. D’une façon ou d’une autre, ces phobies nous parlent de la fragilité du corps et proposent des remèdes. La crainte de l’intrusion est un thème constant, l’identification des adultes à des enfants victimes d’abus sexuels un symptôme révélateur. Côté corps social, en mars 2020, Ursula von der Leyen - présidente de l’Union – félicite la Grèce d’être «le bouclier» de l’Europe. Côté corps de chair et de sang, la médecine semble détenir le monopole du salut mais oublie souvent que la guérison - par-delà la nécessité des soins - n’est jamais qu’auto-guérison — et que le contexte sociétal n’y est pas pour rien.

Autonomie du psychologue clinicien...
16 mai 2019

Autonomie du psychologue clinicien...

Le corona-virus fait peur, mais celle-ci s’inscrit dans un sillage sociétal plus large et bien enraciné dans l’histoire. Peur de la peste certes et du choléra, mais aussi crainte des mauvais sorts et persécution consécutive des «sorcières» jusqu’au XVIIème siècle ; éradication du «corps étranger» juif sous le nazisme ; «chasse aux sorcières» renouvelée par peur de l’infiltration communiste sous le maccarthysme des années 50 ; obsession par la pédophilie culminant, en 1996, dans le délire collectif belge de l’«Affaire Dutroux». Sans oublier la phobie généralisée de l’invasion par les migrants et la construction de murs divers. D’une façon ou d’une autre, ces phobies nous parlent de la fragilité du corps et proposent des remèdes. La crainte de l’intrusion est un thème constant, l’identification des adultes à des enfants victimes d’abus sexuels un symptôme révélateur. Côté corps social, en mars 2020, Ursula von der Leyen - présidente de l’Union – félicite la Grèce d’être «le bouclier» de l’Europe. Côté corps de chair et de sang, la médecine semble détenir le monopole du salut mais oublie souvent que la guérison - par-delà la nécessité des soins - n’est jamais qu’auto-guérison — et que le contexte sociétal n’y est pas pour rien.

Garde-fous
31 décembre 2018

Garde-fous

L’utopie est comme l’étoile polaire : inutile de l'atteindre pour ne pas perdre pas le nord.
En 2016, Donald Trump est élu par une minorité de citoyens démunis qui espèrent aveuglément un «changement» et le retour de la «grandeur».
En 2017, un référendum à fleur de peau précipite le Royaume-Uni dans l’aventure du Brexit.
Il y a quelques semaines, désespérant de l’État, les Gilets Jaunes bloquent les routes. Des casseurs en profitent pour libérer leur rage.Mis en perspective, l’accès de fièvre britannique tout comme le coup de théâtre américain ressemblent plus à une réaction auto-immune (un scénario où le corps, croyant se protéger, s’attaque lui-même) qu’à un choix politique. Trump, de son côté, n’est pas qu’une aberration du mécanisme électoral américain...
Psychologie clinique, psychothérapie, santé mentale : que penser de la loi de 2016 ?
16 mai 2018

Psychologie clinique, psychothérapie, santé mentale : que penser de la loi de 2016 ?

Fédération professionnelle nationale reconnue par le SPF-Classes Moyennes et membre actif de la Commission des Psychologues (Compsy), l’Association des psychologues praticiens d’orientation psychanalytique (APPPsy) a été fondée en 1986. C’est à ce jour la seule association belge qui soit composée exclusivement de psychologues cliniciens formés à la psychothérapie. L’APPPsy a pour vocation de défendre et de promouvoir les conditions de formation, d’organisation et d’évaluation des pratiques cliniques, propres à l’exercice de la psychothérapie dans le champ de la santé. Tout particulièrement, la nécessité d’un cursus post-universitaire institutionnel et personnel — garant de l’expérience et de la maturité émotionnelle de praticiens voués à accompagner, dans la relation et la parole, des femmes, des hommes, des adolescents, des enfants, en proie à de profondes souffrances psychiques tout comme à de graves désarrois comportementaux.

À propos du terme «management» et de ce qu’il dissimule
14 mai 2018

À propos du terme «management» et de ce qu’il dissimule

La destruction du Service Public - et donc des solidarités collectives au profit de la marchandisation des relations humaines - passe par l’affirmation idéologique : un hôpital est une entreprise comme une autre, de même qu’une université, un palais de justice, ils se doivent d’être rentables. Ce slogan se déguise couramment sous le manteau de la nécessité «sans alternative» d’un management en «bon père de famille». Et qui le refuserait pour son propre ménage ? D’autant plus que le terme «management» est le cousin étymologique du mot «ménage», et que pour l’un comme pour l’autre il s’agit de «prendre les choses en mains» (du latin : manus). Mais en réalité, cette assertion d’apparent bon sens prélude à l’imposition de normes qui n’ont rien à voir avec la gestion avisée par la ménagère de sa propre cuisine. Il s’agit plutôt d’une rationalisation de type «fordiste» (organisation standardisée du travail mise en œuvre, en 1908, par le constructeur automobile Henry Ford après sa visite des abattoirs de Chicago), telle qu’illustrée par la célèbre séquence du repas imposé sur la chaîne de montage dans «Les Temps Modernes» (Chaplin, 1936). Il n’est que trop cohérent de transposer cet univers d’apparente fonctionnalité aux «10 minutes tout compris» consacrées à la toilette de personnes en maisons de soins.

Techno-médecine, santé mentale: Différence et complémentarité
31 mars 2018

Techno-médecine, santé mentale: Différence et complémentarité

Quelle que soit la constance avec laquelle l’idéologie managériale tente de le nier, le modèle de formation, d’organisation et d’évaluation des pratiques de la techno-médecine des organes ne convient pas aux professions de la santé mentale. De plus et malgré son impact bénéfique sur la santé en général, la profession de psychothérapeute n’appartient en rien au domaine des soins de santé au sens de l'actuelle législation belge. Ayant fait disparaître le psychothérapeute au profit de «l'acte psychothérapie», réduit lui-même à une intervention technique de type médical, une nouvelle loi en réserve l'exercice aux seuls psychologues, orthopédagogues et médecins — devenus «praticiens en psychothérapie» à la faveur d'un module spécialisé. Ces violences idéologiques, peu soucieuses de la réalité du terrain, ne devraient pas faire oublier la nécessaire complémentarité du champ techno-médical de la santé et de celui des pratiques en santé mentale. Les réflexions qui suivent tentent d’éclairer succinctement la logique d’une spécificité et la nécessité d’une différence.

Secret professionnel. Obligation légale, exigence éthique et déontologique
23 novembre 2015

Secret professionnel. Obligation légale, exigence éthique et déontologique

Thierry Moreau, Avocat,professeur à l'UCL

 

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La prise de risque dans l'aide à la jeunesse.
23 novembre 2015

La prise de risque dans l'aide à la jeunesse.

Lucien Nouwynck, avocat général auprès de la cour d'appel de Bruxelles 

 

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Comment la métapsychologie renouvelle-t-elle la psychologie ? Milgram revisité !
7 octobre 2015

Comment la métapsychologie renouvelle-t-elle la psychologie ? Milgram revisité !

La notion freudienne d’inconscient Individuel sexuel refoulé redéfinit conceptuellement les contours de l’individuel et du collectif. Ce modèle rationnel permet de retrouver les complexités et les contradictions du comportement humain, évoquées jusque là par les seuls écrivains. Les recherches de Stanley Milgram (1933-1984) sur la «soumission à l’autorité» sont parmi les plus connues en psychologie — probablement parce qu’elles exercent une trouble fascination (Obedience to authority : an experimental view, 1974). Milgram malheureusement peine à rendre compte de la profondeur – et du côté dérangeant - de ce qu’il a mis en évidence expérimentalement à l’université de Yale en 1971-1973. Son canevas psychosociologique rassurant cadre bien avec l’horizon idéologique de la société qui l’entoure (les États-Unis des années soixante). La même chose vaut pour le «Lucifer effect» de Philip Zimbardo (The Lucifer effect : understandig how good people turn evil, 2007), mis en lumière par une expérience brouillonne et qui a mal tourné dans la prison factice - installée avec la complicité de la police locale - dans de sombres recoins de l’université de Stanford (1971). 
Que nous dit Freud ?
25 septembre 2015

Que nous dit Freud ?

Les images ont la vie dure. Si le culte «impérial» a vécu, il y a peu la caricature représentait encore le fou, entonnoir en tête, la main dans le gilet, dans une posture toute napoléonienne. De même pour la psychanalyse. Elle est passée de mode, mais le psychiatre des bandes dessinées officie encore derrière le divan, caressant sur ses genoux un petit carnet. Or, un psychiatre n'est pas un psychanalyste (sauf s'il s'est formé à cet effet) et il y a longtemps que la psychiatrie a été phagocytée par le DSM  : un classement managérial des «troubles mentaux» qui permet de beaucoup prescrire sans trop penser. Néanmoins, l'insistance du divan freudien, tout autant que celle du fou campé en Bonaparte, doit bien signifier quelque chose. Il est un fait que Freud continue à insister, voire même à obséder ses pires détracteurs . Comment faire la part des choses et - s'il le mérite - ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain? 
 
Neurosciences et philosophie 
 
Sigismund - Schlomo - Freud (mais dès 1878, il se fait appeler Sigmund) est né à Freiberg en Moravie en 1856, et décédé à Londres en 1939, ayant échappé de justesse aux nazis. Il a passé la plus grande partie de sa vie à Vienne. Issu d'une famille aussi modeste que nombreuse, il a fait sa bar mitzvah mais rompu assez vite avec la religion. Peu favorable au sionisme, il est resté très attaché à la culture juive. Il affectionnait particulièrement les blagues en yiddish, du genre: «— Oh! Moïsche, tu as pris un bain?! — Non, pourquoi? Il en manque un?». À défaut d'avoir pu réaliser un recueil de blagues juives, il a forgé la théorie la plus simple et la mieux étayée du plaisir - toujours transgressif - causé par le mot d'esprit (Le mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient, 1905). Brillant élève, il a pensé un temps au droit mais s'est dirigé vers la médecine. À cette époque, l'humanisme et la philosophie étaient encore à l'ordre du jour dans les études médicales
Santé mentale, santé sociale Y a-t-il un gène du chômage ?
1 juillet 2010

Santé mentale, santé sociale Y a-t-il un gène du chômage ?

Au sein de la société néolibérale mondialisée, régulée par la seule «main invisible» du marché, la notion de «psychopathologie» a disparu. S’interroger sur le sens individuel ou social d’une souffrance n’a plus en réalité aucun sens. Il s’agit plutôt d’éliminer par des recettes les désordres – éventuellement mentaux – qui pourraient nuire au système. Il s’agit donc moins, pour l’individu, de chercher à comprendre que de recommencer à fonctionner. En matière de psychiatrie, cette idéologie possède un bréviaire universellement répandu : le DSM. Pas étonnant que la psychanalyse n’y trouve plus de place et que l’identité des psychiatres s’y voit mise à mal. Les conséquences sont préoccupantes, tant du côté de la prise en compte de facteurs socio-économiques cruciaux en matière de souffrance psychique, que de la mise en œuvre de critères d’évaluation et de formation et d’organisation adéquats en matière de santé mentale.

Un curieux exemple de régression culturelle, le résistible triomphe du DSM.
1 juillet 2008

Un curieux exemple de régression culturelle, le résistible triomphe du DSM.

Au cours des vingt ou trente dernières années, la psychiatrie et plus particulièrement la neurophysiologie, la neuropsychologie, les sciences cognitives, ont progressé de façon remarquable. Ces progrès affectent essentiellement nos connaissances de base sur la génétique, sur le fonctionnement neuronal et sur l’organisation du cerveau. Même si la plupart des hypothèses sur lesquelles travaillent les chercheurs sont loin d’être démontrées, elles forment un ensemble qu’il sera difficile de réfuter globalement. Les conséquences de ces progrès sont sensibles dans le domaine des médicaments psychotropes, et aussi dans l’abord psychologique de diverses formes de pathologie mentales. En effet, sur la base de ce qu’on sait du cerveau, il est possible de faire des hypothèses sur la genèse fonctionnelle de ces troubles et à partir de là, d’imaginer des procédures thérapeutiques originales. On ne s’en est pas privé. Bien entendu, chaque fois qu’on extrapole à partir des données expérimentales, on perd en rigueur scientifique ce qu’on gagne parfois sur le plan de l’efficacité pratique. On sait en effet, depuis longtemps, que l’efficacité d’une pratique n’est pas toujours fonction de la théorie censée en rendre compte. Un effet dûment constaté peut être expliqué de plusieurs manières différentes, vraies ou fausses. Mais le fait est là : la psychiatrie bouge.

Comment être fou dans les règles ? Goed gek, goed geregeld...
2 février 2002

Comment être fou dans les règles ? Goed gek, goed geregeld...

La fragilisation du lien social, l'effritement des solidarités, l'éclatement des repères symboliques, laissent nombre de citoyens désemparés. De nouvelles formes de souffrances psychiques - dont la moindre n'est pas le déni de la dite souffrance par crainte de perdre son emploi - font leur apparition. Côté politique, la santé mentale est de plus en plus un enjeu collectif. Côté psychiatrique, les vieilles balises nosographiques ne suffisent plus à orienter la clinique, et c'est tout le champ qui demande à être repensé. Pourtant, il règne sur la psychiatrie contemporaine, «au nom de la Science» comme ailleurs «au nom de l'Islam», un nouvel obscurantisme en forme d'interdit de penser. 
Depuis l'an 1952, le Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux, mieux connu sous le petit nom de «DSM», ne cesse de croître sans embellir. 

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